De la terre et des larmes

Il existe quelque part en Provence, tout au nord du département du Var, un immense et magnifique plateau qu’aujourd’hui on appelle le « camp militaire de Canjuers ».

Bien que cet endroit ne soit pas encore la montagne, il en a déjà la rudesse et la beauté. Situé en moyenne, à 900 mètres d’altitude, cette immense étendue de prés, de roches et de monts a été artificiellement constituée grâce à l’annexion d’une partie des terres communales des 14 villages situés à sa périphérie.
Bien que privés d’une grande partie de leur territoire, ces villages existent toujours…
Tous… sauf un, Brovès, qui hélas, se trouvait en plein milieu.

Depuis la nuit des temps le village de Brovès s’étendait complaisamment au centre de superbes pacages parsemés de promontoires rocheux. Malgré les nombreux morts que la guerre de 14-18 avait fait, malgré l’exode rural déjà amorcé, en l’année 1930, 129 personnes y vivaient et formaient une communauté essentiellement pastorale, activité perpétuée depuis de longs siècles par les mêmes familles aux noms enracinés : les Blanc, les Brun, les Lambert, les Fabre, les Funel, les Gariel, les Lions et les Laugier.

Vivant dans le même décor inchangé depuis des millénaires, les Brovésiens étaient quelquefois agriculteurs ou artisans mais, par-dessus tout, ils étaient bergers. Des bergers sédentaires davantage ici qu’ailleurs puisque, étant donné l’étendue et la richesse des pâturages, étant donnée la constance du climat, les moutons de Brovès n’ont jamais eu besoin de transhumer.
Hélas ! Aujourd’hui, Brovès est mort et bien mort. Non seulement vidé de son âme et de ses entrailles mais aussi dévasté, il n’en reste qu’un semblant de décor. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder tout au long de ses rues désertes, les trous noirs figurant ses anciennes fenêtres tandis que des plaques de plastique rouge remplacent les vénérables tuiles de ses maisons.
Sans plus de poutre faîtière, ni de toit pour les protéger, ici ou là, les pierres les plus hautes se maintiennent difficilement à leur place. Elles semblent à ce point lassées de cette précarité perpétuelle, que, parfois, pour en finir, l’une d’entre elles s’élance dans le vide et se laisse tomber.

Vous tous, vacanciers qui, chaque été, traversez le Camp militaire de Canjuers pour aller visiter les surprenantes et célèbres gorges du Verdon, arrêtez-vous un instant pour écouter l’histoire récente de ce pays.
C’est une grand-mère, fille et mère de bergers, qui me l’a racontée ainsi.

Annie BRUEL
De la terre et des larmes


Le site de l’Association des Anciens & Amis de Brovès est en cours de réalisation, il va s’enrichir très rapidement de contenus multimédias et de récits !
Cet article est un extrait du livre « De la terre et des larmes » d’Annie Bruel, roman relatant les dernières années de ce village du Haut Var.

3 commentaires

  • Bonjour,
    Bravo pour votre association !
    j’ai passé un séjour merveilleux à Brovès, j’ai vu pour la première fois un agneau naître et les habitants si chaleureux.Je lirais bien volontiers «  de la terre et des larmes » d’Annie Bruel , cela pourrait-il se faire ?merci beaucoup

    Brigitte Chevallier,
  • Chère madame,

    Je viens de découvrir votre livre. Je suis un nostalgique de Brovés et surtout de la ferme Paresse ou j’ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence.
    Je suis à la recherche de votre livre De la terre et des larmes. Où puis-je le trouver ?
    Par avance merci pour votre réponse et il me tarde de le découvrir. Cordialement

    Bernard Mérono,
    • Le livre d’Annie Bruel est, pour l’instant en rupture de stock ; par contre, quelquefois on le trouve d’occasion sur des sites en ligne. Cordialement

      Jean-Paul Funel,
  • Répondre à Jean-Paul Funel Annuler la réponse

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